vendredi 11 mai 2012

Rendez-vous à Firehole : partie 5




* * *

11 Août, 2h30

Bon, comme quoi se retrouver face à ses limites une fois de temps en temps, ça a du bon.
Hier soir, saturation absolue de moi-même, j'ai commencé à me taper sur le système toute seule, avec des émotions aussi intenses et détestables que quand j'étais ado, et ça sentait la remise en question de profondeur à 10 000 km. Et alors, j'ai appelé Maman. Eh ben ouais.
Elina a 25 ans et clame à qui veut l'entendre qu'elle s'est faite toute seule et n'a besoin de personne, n'empêche que je me suis bien faite avoir. Il était une heure et demi du matin, j'avais relu ce journal comme une tarée à la recherche de la lumière, d'une quelconque illumination, d'un pardon de mon moi à mon moi, et rien ne venait ; alors j'ai pris le portable de Guillaume où s'affichait toujours le numéro de Stephen, et j'ai appelé Maman. Pas en cherchant son nom dans l'annuaire (qu'est-ce qu'il a pu mettre ? "Belle-maman chérie ?" argh), mais en composant le numéro à la main, comme quand j'avais quatorze ans et que j'appelais pour demander si je pouvais dormir chez Fanny.
Dès que j'ai entendu sa voix j'ai fondu en larmes, et je me suis détestée encore un cran au-dessus.
Maman a été... égale à Maman, mais pour une fois, j'ai réussi à tenir plus d'une minute. Bon, il serait peut-être temps que je prenne sur moi : elle a été super. ça m'arrache un peu les doigts d'écrire ça, mais c'est vrai. 
Je lui ai tout dit. La rivière, Stephen, Mathéo, Guillaume. J'ai cru qu'elle allait s'étouffer ou me faire un sermon ; elle m'a demandé si "on l'avait fait". J'ai ri par le nez et de la morve a jailli sur l'i-phone (vraiment, Guillaume, je suis désolée).
C'est vrai, Maman en fait des tonnes très souvent, elle refuse l'idée qu'une femme puisse vivre sa vie, pense que tous les hommes sont des salauds qui vous trompe à la première occasion ; mais en même temps c'est juste une pauvre aristo désargentée qui se demande toujours où s'est envolé le père de sa fille. Ahah, ça me fait rire jaune, les liens entre nous, ma petite maman. La seule différence, c'est que je n'ai jamais réussi à accepter, que je veux y croire jusqu'au bout. Que je refuse de faire des choix.
Alors voilà, j'ai l'oreille en feu après avoir bousillé le forfait de Guillaume et je pleure comme une gamine de quatre ans en tailleur sur mon lit ; j'ai l'impression de revivre sans cesse le même scénario, de courir après du vent.
Je crois qu'il faut que je fasse un choix. Pas un coup de tête, ça ne vaut rien : un vrai choix. Quelque chose qui fasse adulte pour changer.
En gros :
- rentrer à Paris
- ou appeler Stephen
Après tout, qu'est-ce que je risque ? La barre de batterie du téléphone de Guillaume a viré au rouge cerise, bientôt je ne pourrai plus téléphoner. Même si je connais le numéro par coeur, un jour ou l'autre j'oublierai bien un chiffre.
Il faut que je sorte de cet hôtel, que je marche encore. J'espère qu'un jour, prendre des choix ne me demandera pas trois heures de marche. Qui sait...

7 h

Alors voilà, faire un vrai choix d'adulte, ça a l'air de ressembler à ça : croire mourir avant de le faire, puis n'avoir plus une once d'énergie ensuite.
J'ai appelé le 406 866 555 12. 
Trois sonneries, de quoi craindre l'arrêt cardiaque, puis un homme a décroché. Sûrement pas Stephen, à moins qu'il ait prix cinquante ans d'un coup. J'ai eu l'impression de tomber sur un fumeur en fin de vie, un accent abominable en prime. Je ne sais même plus ce que j'ai dit, j'avais l'impression de tout mal prononcer, c'était atroce. Enfin, j'ai compris une phrase par-ci par-là : "Stephen's not here", 1er point. "He's on the mountains now", ok, c'est noté, je n'ai pas compris le reste. J'ai dû tenter de parler un peu, "Do not speak him I call, please, mister", j'ai compris qu'il me demandait mon nom et je lui ai laissé sans réfléchir, puis la batterie m'a lâchée.
L'i-phone me présente sa belle face lisse et ne démarre plus. Alors voilà, c'est fait, j'ai téléphoné chez Stephen. Maintenant, je n'ai plus aucune alternative que de rester inerte avec ce carnet entre les mains à regarder le jour se lever sur Minneapolis. L'ère adulte a des étranges airs de déjà-vu. A se demander si j'ai vraiment passé la frontière - et si on la passe jamais.







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mercredi 9 mai 2012

Rendez-vous à Firehole : partie 4

10 Août, 23h30


AAAAAAAAAAAAAAAAAH et aussi jjsdfjjsfnnnvhrhgfvnnvhrucbdhgfgrcbxhgy !!!!!!! C'est dit.
Qu'est-ce que je vais faire maintenant, QU'EST-CE QUE JE VAIS FAIRE ???
On va faire comme d'habitude, ne rien changer, ça a toujours marché : écrire tout dans les détails du début à la fin, tout finira par s'éclairer comme par magie.
(sdfnfjfnvndrhygcvhfrfjnvfj)

Donc, je reprends depuis le début. Dou-ce-ment.
D'abord, Minitowoc, l'arrivée du bateau, un dernier auto-stop dans un espace avec trois gamins à l'arrière. Pas de problème particulier, ils m'ont déposée sur le parking d'un motel assez sympa où j'ai dîné et passé la nuit. Des détails dont je me fous, mais il FAUT que je le fasse, dans l'ordre, avec ces petits rien, tous ces petits rien. Lever vers 7h, assez décalée, une petite demi-heure à regarder passer des voitures avant que Sam (photo ci-contre) ne s'arrête. Un super gars, Sam, il devait aller jusqu'à Stevens Point mais il a accepté de pousser un peu jusqu'à Minneapolis, soit deux heures de plus. Un ange. Papa d'une petite fille de quelques mois, complètement dépassé et transi d'amour, il a peur de la casser quand il la soulève de son berceau. J'ai pensé à moi, à mes presque 26 ans, à avoir un bébé dans le ventre. Non, toujours aussi bizarre. 


 Après, ça a été Minneapolis, et Sam m'a fait un rapide tour des principaux points à visiter, avant de s'excuser, sa petite Jessica l'attendait. 
Après les petites routes et les petites villes, Minneapolis fait figure de géant d'acier, typique mais fascinante. Une compétition de building, des gens partout, un beau soleil d'été. 

Je crois que j'étais en train de m'acheter un hot-dog à l'un de ces vendeurs ambulants qu'on voit toujours dans Sex and the city quand le portable de Guillaume a vibré dans ma poche. Numéro inconnu, j'ai remis le portable à sa place. GROSSE DÉBILE. Nouveau vibrement signifiant un message vocal, j'ai laissé vibrer. DOUBLE CONNE.

Je me suis tapé un tripe dans la grande ville, regardé le soleil descendre sur les vitres, puis je suis allée à l'hôtel que j'avais repéré. 

Soirée banale, plateau-repas, Catch me if you can à la télé en bel américain, puis je me brosse les dents, et, comme ça, par pure curiosité, j'ouvre le téléphone de Guillaume et tape 888.

"Bonjour. Vous avez... Six nouveaux messages."
Oh mon dieu.

"Nouveau message. Reçu le 9 à 06h57 : Elina, c'est moi, Guillaume, réponds s'il te plait, je ne dormirai pas tant que tu ne répondras pas. Ta mère...
"Message supprimé."
"Nouveau message. Reçu le 9 à 12h12 : Elina, je veux juste savoir si tu vas bien, décroche, s'il te plait. Ton portable est éteint, je n'ai plus que ce moyen de te joindre, tout le monde ici se demande ce qui te pr..." 
"Message supprimé."
Je passe les autres, j'ai reconnu la voix de Guillaume sur les deux suivants. Dans le cinquième message, c'était Fanny. Détendue, et pas stupide, elle avait bien compris ce que je fabriquais. Et elle massacrait toujours le nom de Stephen, mais en le prononçant à la sensuelle, en laissant traîner le S, "Ssssssteven va bien ?"
Et le message 6 : "Nouveau message. Reçu le 10 à 16h12 : Euh, bonjour, je ne sais pas si je suis au bon endroit (j'ai laissé ma brosse à dents dans ma bouche alors que la mousse me coulait sur les lèvres. C'était un accent québécois.) La messagerie dit que je suis le GSM de monsieur Garnier, mais j'essaye, au cas où... Voilà, je suis Jim, le directeur de Leaf Rivers Outfitts. Je cherchais à joindre la demoiselle qui a téléphoné il y a deux jours, pour le nom de famille de Stephen. Je suis avec un de ses amis, là, et il m'a laissé ses coordonnées. (La mousse dégoulinait carrément sur mon menton et j'ai serré la brosse à dents sans m'en rendre compte. Comme ça m'a fait mal, je suis allée cracher dans l'évier et j'ai vu ma tête. Deux grands yeux de chouette sur un linge blanc). Voilà, son nom c'est Stephen Ryan Collins, il habite à Helena dans le Montana. Son ami n'a pas son adresse, mais son numéro de téléphone, un fixe. Je vous le laisse: 406 866 555 12."
Oui, j'ai appris le numéro par coeur. En réécoutant le message sept fois. 
J'ai son nom, j'ai son numéro, PUT..., je peux l'appeler quand je veux, si je veux, onze chiffres et je l'ai au bout du fil. "Allô... Stephen ?"
Non, je ne peux pas. Je ne peux tout simplement pas.
A un moment donné, j'ai failli reprendre le téléphone pour rappeler Jim, lui demander de choper l'ami de Stephen et lui dire de ne SURTOUT PAS passer le message à Stephen que le cherchais. Puis j'ai réalisé qu'il était 23h passés et que c'était complètement crétin en plus de ça.


Alors voilà. Minuit approche et je sais que je ne vais pas dormir.
Un peu parce que je suis dans un hôtel au milieu du Wisconsin.
Un peu parce que ça m'a fait bizarre d'entendre la voix de Fanny.
Beaucoup parce que j'ai réalisé d'un coup ce que j'étais en train de faire. J'ai laissé Stephen partir, après tout, je n'ai rien fait pour le retenir. La dernière fois où on s'est parlé, avant le canoë, je lui balançais à la gueule que je n'avais jamais eu besoin de lui. Et maintenant je traverse les Etats-Unis pour débarquer chez lui, dans sa vie, alors que je ne sais pas qui il est, après tout ? Et pour quoi au juste ? Parce que j'ai aimé oublier que j'existais quelques secondes, à ses côtés, devant une aurore boréale ? Parce qu'il semble aimer la terre qui nous porte, la nature, le feu, l'eau et le ciel ? Parce qu'il fronce les sourcils ? Mange les brochettes de chamalow à pleines dents avec la distinction d'un gentleman ? M'a porté comme une plume pour me sauver d'un ours et d'une horde de caribous ?

Stephen Ryan Collins. 
Stephen Ryan Collins. Helana, Montana. 406 866 555 12.

Et maintenant ?
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mardi 8 mai 2012

Rendez-vous à Firehole : partie 3


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9 Août 


Voilà Stephanie, 26 ans, coiffeuse. Elle m'a conduite de Buffalo, aux premières heures du jour, jusqu'à Onekama (en Amérique, pas au Japon) où elle travaille. Je dois dire que j'ai un peu regretté Joad. Dans le genre amerloque de base, la pauvre Stephanie se posait là. Très gentille, vraiment, adorable. Mais un rire très bas étage et un peu flippant, des dents trop blanches et une conduite affreusement plate. Même pas un juron quand on lui piquait la priorité aux rond points.
J'ai très mal dormi cette nuit (dans un gigantesque lit rose satin, avec sur le ventre un steak de 300 tonnes, du jus d'orange fluo ultra sucré et une part de brownie trois chocolats pour faire passer le tout ; je ne pouvais rien refuser à la mère de Joad, bonne grosse femme aux cheveux permanentés, elle n'avait l'air d'avoir que ses trois chiens pour compagnie en l'absence de ses fils. L'ainé est en Irak.) Joad a fait son possible pour m'aider à remonter la trace de Mister Mystère. Et j'ai vécu un pur moment de tension : je me suis rappelée l'avion miniature qu'on avait pris à l'aéroport de Grande-Rivière, près de Radisson. Le gars a tout de suite capté de qui je parlais - et je dois dire que mon cœur s'est arrêté une petite seconde - et s'est exclamé "Ben oui, bien sûr, Stephen ! Ah, sacré Stephen." Je n'ai pas relevé, et j'ai simplement demandé son nom de famille. Et bien, le gars ne savait pas. IL NE SAVAIT PAS. Non non, c'était seulement Stephen, ce sacré Stephen. Et point barre.
Après, j'ai pensé au gars moustachu qui nous avait apporté le canoë (paix à son âme) sur le lac Minto. D'ailleurs, il a toujours mon trépied, mon diffuseur de flash et mon imprimante. Mais ce brave monsieur est un fantôme (donc, non contente de me barrer encore je ne sais où pour je ne sais quelle situation impossible, je viens de perdre définitivement pour 150 euros de matériel).
Pas la peine de téléphoner à la boutique où il m'avait acheté ma belle parka rouge, ils n'ont pas pris nos noms, juste l'argent de Stephen (je lui dois combien à part ma vie (deux fois) ?)
J'ai eu un court instant de folie et cherché mon portable de façon fébrile dans toutes mes poches en pensant à Fanny (il lui avait téléphonée après l'accident, toujours aussi étrange d'ailleurs), puis je me suis dégonflée comme un soufflet : elle ne savait même pas prononcer son prénom correctement, alors son nom de famille... Et puis, franchement, j'ai envie de tout sauf d'avoir Fanny au téléphone.
Après, en continuant de remonter le fil de mes pensées, j'ai réalisé que Stephen m'avait quittée là. Après ce baiser. Cet espèce d'instant tellement familier, comme on passe la main dans les cheveux d'un gosse qu'on connait.
Dans mon journal, après ça, c'est que des pages et des pages de marche et de faim, de magnifiques Inuit, de désespoir. Et puis les caribous, son retour, la tente, le vin, l'aurore.
J'arrête là.
Bon, alors, en gros, il me reste une seule petite piste en dehors de Guillaume, et c'est Mathéo. A lui, je pourrais demander des infos sur Stephen, s’il lui en a donné. Mais je n'ai aucun moyen de le joindre où il est.
Mais POURQUOI j'ai laissé ce canoë partir ? POURQUOI, POURQUOI, P.O.U.R.Q.U.O.I.
Rives du lac Michigan

 Revenons un peu à l'instant présent, en attendant le suicide. La vie a encore l'air pas trop mal : je suis sur un bateau qui relie les deux rives du lac Michigan, et ça sonne tellement Chicago, "Urgences", pulsations américaines, c'est assez fou. Je ne suis pas sûre d'avoir choisi la meilleure option niveau temps et confort : 122 km de traversée ! Je serai de l'autre côté d'ici deux bonnes heures, et on a parcouru la moitié du chemin. Le bateau est bondé de touristes en k-way et casquettes multicolores, les enfants courent partout.

Je pense tenter un dernier auto-stop pour rejoindre Steven Points. C'est assez rigolo, grâce à Google Earth, je viens de remarquer que je n'ai plus qu'à tracer "en ligne droite" (est-ce que ça existe sur notre belle Terre ronde ?)

Ne regardons pas les détails : cinq états différents à traverser, c'est un jeu d'enfants pour une experte comme moi. Le pire, c'est que ça m'éclate. Je perds la tête, j'avais jamais dépassé les frontières de l'hexagone, et voilà que je prends mon pied à traverser un continent.
Le bateau devrait arriver d'ici une heure. Je vais aller regarder l'eau et attendre pour prendre une photo de Manitowoc (décidément, les sonorités ici, c'est très étrange).
See you, camarade.
Arrivée à Minitowoc, Wisconsin, 18h

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lundi 7 mai 2012

Rendez-vous à Firehole : partie 2

Toujours le 8 Août, 15h50




Bon, je respire un coup, 1er auto-stop, 1er bon contact. En même temps, j'ai joué la sécurité, j'ai évité le lever de pouce en sortie de bretelle d'autoroute et je me suis contentée de chercher une bonne âme sur le parking de la gare. Ok, ça m'a pris un moment, mais je suis finalement tombée sur un gentil petit gars, sûrement pas bien âgé, merci les lois américaines (au départ, j'ai eu peur, mais il conduit bien et calmement). Du coup, je viens de passer la moitié de la journée à baragouiner un anglais approximatif, à rire à des blagues que je ne comprenais pas, et à ressentir mes premières sensations des grands road-movies : chaleur, fourmis dans les jambes, envie de grignoter insatiable. Mon premier conducteur s'appelle Joad, j'ai appris qu'il rentrait chez ses parents à Buffalo, dans l'Etat de New-York (c'est donc là que nous allons) après avoir visité une partie du Québec. Sa petite copine habite là-bas. Il dit que les relations à long terme, ça ne marche jamais, qu'il y met tout son argent pour ne rester à chaque fois qu'une semaine. Qu'il lui manque l'essentiel.
Je crois que j'en sais quelque chose. N'empêche que certaines sentiments ne disparaissent pas, qu'on y mette cent ou mille kilomètres, alors que parfois tellement de choses séparent les gens quand ils vivent ensemble. Je sais, ça fait philosophie à deux balles, mais c'est vrai.
Bref. J'ai un peu tâté le terrain grâce à Joad, et ça sent le marais : comment retrouver un citoyen américain quand on sait seulement qu'il s'appelle Stephen, a de superbes boucles brunes et s'achète presque exclusivement des chemises à carreaux ? Peut-être qu'il y a des boutiques spécialisées en chemises à carreaux à Helena, et qu'il a sa carte de fidélité ? Plus sérieusement, j'ai pensé joindre les quatre incroyables dompteurs de troncs avec qui il fait du daving, mais impossible de trouver l'adresse de l'usine qui les embauche. Maintenant, je me mords les doigts jusqu'au sang de ne pas avoir écrit quelque part l'adresse de ces petites bicoques où on nous a sauvé la vie après l'accident de canoë. Il avait dû régler la note pour notre passage, laisser son nom quelque part. Mais j'étais trop en colère contre lui pour me soucier de ça, à ce moment-là.
Peut-être qu'il a donné son nom à Guillaume ? Bon, deux raisons pour laisser tomber cette piste : 1) C'est moi qui ai son portable, 2) ça ferait vraiment, mais vraiment salope de l'appeler pour lui demander ça (hey, salut Guillaume ! Bien rentré ? Au fait, est-ce que le gars pour qui je t'ai largué comme une merde dans l'aéroport t'aurais dit comment il s'appelle, par hasard ? Ah, et est-ce que tu peux passer arroser mes plantes, je vais être absente encore un moment...")
A midi, Joad a tenu à ce qu'on s'arrête dans un de ces petits restau de bords de route qui sentent la frite et la gasoil. C'était vrai:ment le truc typique, serviettes à carreaux, serveuse blonde à chewing-gum et petite jupette. J'ai mangé le truc le plus répugnant de toute ma vie, mais c'était affreusement bon.






On a tracé tout le reste de l'après-midi, six heures de route entre Montréal et Buffalo. On vient de faire une pause parce Joad tenait à me montrer le lac Ontario, et il a bien fait. 
C'est bourré de touristes près de la marina, mais en s'éloignant un peu, on découvre une lande sauvage qui me fait penser au sud de la France. D'ici moins d'une heure, on sera à Buffalo, et Joad a dit que je pourrais dormir chez ses parents sans problème. Il m'a aussi assuré qu'il m'aiderait autant que possible à mettre la main sur l'adresse de S... De nos jours, avec l'apogée d'internet, ce serait quand même dingue de pas réussir à localiser un habitant de la planète avec seulement son prénom.... Si ?


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samedi 5 mai 2012

Rendez-vous à Firehole : partie 1




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8 Août

Dans quelle galère je me suis encore fourrée ! C'est juste pas possible d'être moi. Tout l'argent que j'ai pu économiser va vraiment y passer cette fois. A tel point que j'hésite à revendre l'i-phone de Guillaume (qui n'a pas cessé de sonner d'ailleurs) mais je me dis que ce serait vraiment le désavouer, après ce que je lui ai fait en le plantant dans le hall de l'aéroport. Surtout pour m'embarquer dans ça.
Je serais une bonne candidate pour Vie de Merde.fr, pour ma fameuse lecture des cartes. Ok, j'étais dans un état second et l'écran du téléphone ridiculement petit, mais quand même. Voir Helena a une heure de train maxi, fallait avoir fumé. Bien entendu, c'est seulement en déboulant à la gare que j'ai réalisé l'étendu du désastre (je plains l'employé du guichet qui s'est coltiné mon cas).


Donc, maintenant que je me retrouve toute seule avec dix fiches horaires en mains, j'ai tout le temps de me pencher sur les "détails" ma nouvelle lubie ("ma folie, mon envie, ma lubie, mon i-dylle !" Bien vue, Vaness). Donc, premier point : heureusement que je ne comptais pas faire ça en voiture. Zéro euros de péage ? Sont fous, ces américains. Un petit 400 euros de carburant, c'est pas tellement, tout bien considéré. Hum.
N'empêche, si je fais le calcul, je crois qu'il va bien falloir que je me coltine de l'auto-stop. Autrement, ça me coûtera les yeux de la tête : rien que pour faire une tranche du voyage, Toronto-Chicago par exemple, il me faudrait 400 euros. Comment est-ce qu'il se débrouille, cet enfoiré dont je ne prononcerai pas le nom ? Je sais que des petits avions de petites compagnies genre "Aire Creebec" proposent de traverser une partie du Québec. Il a dû passer par le haut de la carte, moi je pars par le bas. On fait la course ?
Sérieusement. Le jour commence à se lever, Guillaume doit être dans l'avion pour Paris. Le pauvre, j'imagine sa tête quand les haut-parleurs de l'aéroport ont diffusé mon message : "Monsieur Guillaume Garnier est demandé à l'accueil, Monsieur Guillaume Garnier." Il a dû penser qu'on m'avait enlevée, tuée, que je m'étais jetée sous les roues d'un avion.

Bref. Me voilà devant la gare de Montréal, j'use la batterie de l'i-phone en tapant nerveusement tout ce qui me passe par l'esprit : dans Google, Helena, Montana. Google Earth, photos de touristes, clocher d'église orange sous une neige épaisse. Images de moutons entre deux montagnes. Google : auto-stop fille conseils ; Wiki-travel dit Si vous êtes une fille, pensez à prendre le numéro de la plaque avant de monter dans la voiture. Euh... D'accord. Vous en avez d'autres comme ça ? 

Maman, excuse ta fille si on ne retrouve rien de moi, ou tout juste ce journal, qui sait. Il FAUT que je voie ces montagnes, c'est tout. Tiens d'ailleurs, pourquoi je cherche Helena moi d'abord ? 

Beeeeeen voilà ! C'est beaucoup mieux. Parc du Yellow Stone, à seulement 30h et 16 minutes. Une formidable économie de 80 euros ! 
Merci Viamichelin.fr... Bon, ben j'vais lever le pouce, moi.

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