lundi 11 mars 2013

Rendez-vous à Firehole : partie 6

11 Août 2012




Quoi ? Tu es sûr ? - Oui. Pourquoi ? Tu me caches qqchose ? Au fait, sexy la voix. - ... Merci quand même. A plus.




* * *




14 Août, 21h

J'ai laissé passer trois jours histoire de prendre de la distance, et j'ai aussi tracé sur quelques kilomètres (environ 610 quand même) puisque me voilà maintenant en Dakota du Nord.


De façon plus impressionnante, on pourrait aussi dire que je suis à la moitié de mon périple vers Héléna. La fin sera plus montagneuse, mais si je continue à ce rythme, je devrais arriver dans une petite semaine.
Pour le moment je suis juste complètement paumée. Sur google earth, c'est encore plus évident.
Selfridge doit comporter autant d'habitants que le village Inuit où j'ai retouvé Mathéo (et viré Guillaume et perdu Stephen, bref).
En image, ça donne ça :
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Ce matin, j'ai fait une folie : j'ai voulu m'acheter un chargeur d'i-phone universel. Dans le genre "il était temps que tu te réveilles cocotte", ça se posait là. Sauf que, comment dire, j'aurais pu m'y prendre avant de me retrouver ici. Il n'y a RIEN ici. Rien, sauf des bisons, des kilomètres de champs, des tracteurs, une église paumée par ci par là. C'est magnifique, mais ça ne recharge pas un portable.
Du coup, je monte dans le pick-up de George qui trace justement plus à l'Ouest et qui a accepté de m'avancer un peu. Je vais prendre des photos en attendant la prochaine "grande ville"... A 250 km de là. Je devrais pouvoir tenir.

Georges. Adorable (je comprends rien à son accent mais il est adorable, ça se voit).


Plus tard

Petit plaisir pour la vue :




Je fais juste un point sur cette ville parce que l'histoire m'a fascinée.
On l'appelle "la ville qui s'est envolée" parce qu'en 1943, une tornade s'est abattue sur la région et a soufflé la plupart des habitations. Rien n'a été reconstruit depuis.
On  a juste posé cette pancarte pour rappeler à ceux qui passent par là que Mose fut un jour.
Ce genre de terribles victoires des forces de la nature m'attirent et me terrifient à la fois.


Dickinson, ville suffisemment grande du North Dakota. 20h.

La route jusqu'ici a été magnifique, une vraie plongée dans l'Amérique qu'on s'imagine parfois, celle des grands espaces et de la route qui crisse sous les pneus, alors qu'il n'y a pas une autre voiture à l'horizon. J'espère que les photos rendront bien.


 Dickinson n'est guère qu'un ensemble de bicoques des deux côtés d'une deux voies, mais le confort moderne est arrivé jusque là, et j'ai pu acheter un chargeur convenable, avant de quitter Georges. Il m'a dit que ma prochaine étape me réservait de belles surprises sur une autoroute très spéciale. Il avait un sourire dans les yeux et j'ai un peu oublié que j'en avais plein les baskets.
Le portable est en train de charger. Je suis étrangement calme. Ce ne sera sûrement plus le cas dans deux minutes.

20h12

Une nouvelle came pour toxico tarée : voix grave aux accords terriblement sensuels et étrange points de suspension avant fin énigmatique. Dans l'ordre, pour le suspens, ça a donné ça :
Message 1 : il y a trois jours, voix de Guillaume "C'est moi. J'espère que tout va bien. Je ne veux pas qu'on se quitte sans se reparler une dernière fois. Je t'aime. Prend soin de toi."
Relativement sobre, pour une fois. Il mérite que je ne le supprime pas encore (de la mémoire du téléphone).
Message 2 : avant-hier, Maman "Elina, c'est ta mère. Je sais que tu vas bien, j'ai passé le message à ton "ex", je dois bien l'appeler comme ça ? Non parce que lui n'a pas l'air tout à fait au courant. Parfois il vaut mieux être franchement cruelle, ma fille. Il faut dire les choses comme on arrache un sparadrap. Garde ça en tête. Je t'embrasse, ne fais pas l'andouille."
Je garde ça en tête, maman.
Message 3 : hier soir, à 21h42, voix de.... voix de Stephen. Son accent américain sur les fins de mots, et sa voix sombre mais chaude comme un café viennois à la terrasse d'un bistrot un premier jour de printemps. Je crois que je n'ai jamais frissonné comme ça. J'ai failli lâcher le téléphone. "Elina ? C'est Stephen. Je pense que c'est bien toi qui auras ce message. Si ce n'est pas le cas, Guillaume, je m'excuse d'avance. Bref. Je voulais te dire que je serai sur la montagne de Grizzli Gulch près du Alm Ranch. J'y reste jusque fin août normalement. Alors si jamais tu voulais me voir, je serais vraiment... enfin, tu sais où me trouver. Et bien, bye."
"Je serais vraiment... enfin, tu sais où me trouver" ?! Qu'est-ce que c'est que ça ? Ah et sans oublier le très nonchalant "eh bien bye" lâché comme si de rien n'était, comme s'il venait juste de me dire "ah au fait, je passe faire les courses, pas besoin d'acheter le pain".

J'ai pensé un moment que j'avais eu ma dose d'émotions, mais il restait le rire bien gras. Je l'ai eu en lisant les textos de Guillaume. L'un d'eux m'annonçait que, comme demandé, son forfait venait de passer en forfait bloqué sécurisé, et que, comme convenu, il ne pouvait plus téléphoner que sur les trois numéros suivants : le portable de ma mère, le fixe de Guillaume, le fixe de ma mère.
Je vois là une ironie bien trempée qui me donne envie de lui arracher autre chose avec un très gros sparadrap.

Je vais aller faire un tour, me perdre un peu dans la campagne, ça va sûrement me faire redescendre. Le portable est plein.
Hmm...
Je pourrais sûrement appeler Guillaume, ou ma mère, j'ai le choix. Ou faire "888" et réécouter le message n°3.
Oui, tiens, c'est bien ça.






De l'autre côté de cette colline, 863 kilomètres de montagnes, et cette voix aura de nouveau un visage... Et un corps. 
Je vais rentrer prendre une douche.

* * *