lundi 3 octobre 2011

Partie 11

Toujours le 6 juillet, vers 23h

Je change d'humeur à la minute ici. C'est vrai que ce matin j'aurais bien découpé mon gentil sauveur façon Dexter, mais plus ce soir. J'ai passé un moment d'une rare simplicité, chaud et doux comme une tasse de chocolat. C'était tout ce qu'il me fallait.
Je reprends l'histoire là où je l'avais laissée : dans l'avion miniature qui nous amenait au lac Minto, là où la rivière Kuugaluk prend sa source ; Stephen, le pilote et moi, la carte de Chisasibi sur les genoux. Voir le paysage se verdir, se parer de grandes embardées bleues m'a donné l'impression de retrouver un second souffle. Je suis à plus de 1600 kimomètres de Montréal à présent. MILLE SIX CENT kilomètres.
Si, au gré des vents, je me retrouve à remonter toute la Rivière aux feuilles, j'aurai parcouru deux fois la France.

 Notre avion fait des petites vaguelettes blanches sur la surface de l'eau. Je me demande parfois ce que je viens faire ici et alors mon cœur se serre, ma respiration se bloque, j'ai la tête qui tourne. Parfois, j'oublie tout. Il ne reste que le bleu des lacs et le brun de la terre. C'est un territoire vierge et majestueux, je comprends que les peuples inuits se battent pour y vivre. On y sent souffler comme un vent sauvage, une fièvre des grands espaces, la langue des éléments.
Le vol dure plus de quatre heures, mais je suis sage et mon esprit ne me torture pas trop. Nous arrivons au lac Minto vers 14h, et je suis bouche bée. C'est un paysage magnifique et l'air est frais, un peu piquant. Pendant que Stephen monte les tentes, je mange un des sandwichs qu'il a achetés au supermarché. Nous montons les tentes et nous n'avons alors plus rien à faire que de regarder les nuages bas créer des ombres sur le lac et les sommets des montagnes. Au loin, la neige recouvre les arbres. Stephen et moi n'échangeons que peu de mots. Il a l'air totalement calme, inspiré simplement par le paysage. Avec sa chemise à carreaux et sa barbe hirsute, on dirait vraiment qu'il a toujours vécu là. Je ne lui demande pas où il est né, c'est comme si aucun de nous ne voulait briser le silence.
Quand la nuit commence à tomber, je pars chercher du bois. Je ne rencontre que quelques pêcheurs, des oiseaux. Stephen fait le feu et prépare des brochettes de poivrons et de bœuf.
Et c'est comme si toutes mes hésitations fondaient au contact du feu ; c'est d'abord l'incandescence au-dessus de nous, les nuages deviennent roses, oranges, puis violet. La nuit finit par nous envelopper et les étoiles percent, par centaines.
C'est alors que mon portable sonne. Trois coups secs, un texto. J'avais complètement oublié cet objet moderne, il me semble presque incongru. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine ; je n'ai pas donné de nouvelles depuis mon départ, et si c'était quelque chose de grave, et si c'était maman qui... Guillaume.
Je soupire profondément et Stephen m'observe en silence de l'autre côté du feu de camp.

Je crois que c'est le plus stupide texto que j'aurais pu recevoir dans des conditions pareilles. Pire que sortir un Marc Lévy à la réception du prix Nobel de littérature.
"Rev1 moi vite"... Non mais il se prend pour qui ? Il croit peut-être que je lui appartiens ? Qu'il peut disposer de moi ?
Qu'il aille se faire voir. Ce soir je ne rêve que d'une chose : des chamalows grillés au feu de bois. Et ça tombe bien, c'est exactement ce que Stephen est en train de préparer.
Et, aux dernières "nvelles" ça me va très bien, mon cher Guillaume :)




 * * *

2 commentaires:

  1. Pauvre Guillaume ;)
    Moi je veux qu'elle tombe dans les bras d'Alcyde, euh pardon... de Stephen. mais je sais que ça se fera pas.

    Qu'est- devenu Mathéo ? A mon avis il aura pas trop changé et a toujours pensé à elle durant tout ce temps, avec nostalgie. A voir :)

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  2. Langage sms pourri, elle a bien fait de le planter le Guillaume ^^

    J'espère que tu nous l'as pas fiancé à une autre le Mathéo hein!

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